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  • Pris de panique, les constructeurs automobiles demandent à l’Europe de différer le durcissement des normes CO₂

    Par Virginie Malingre (Bruxelles, bureau européen) et Sophie Fay

    C’est une note blanche qui circule dans les cabinets ministériels et les instances européennes. En jargon européen, on appelle cela un « non paper ». Elle n’est pas signée, mais elle émane d’un grand constructeur automobile, dont le directeur général préside aussi l’Association des constructeurs européens d’automobiles à Bruxelles (ACEA). Tout le monde aura reconnu Renault et Luca de Meo, même si l’entreprise ne fait aucun commentaire.

    Ce document plaide pour l’utilisation d’une disposition méconnue, l’article 122.1 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), une sorte de « 49.3 européen », qui permettrait de différer dans l’urgence l’application d’une réglementation, en court-circuitant le Parlement de Strasbourg.

    L’objectif de ce document, que Le Monde a pu lire, est de reporter de 2025 à 2027 le durcissement de la norme dite CAFE (Corporate Average Fuel Economy) portant sur les émissions de dioxyde de carbone. A compter de 2025, le seuil moyen autorisé par véhicule diminuera de 15 %, pour atteindre un maximum situé entre 90 grammes et 95 grammes de CO2 par kilomètre (un chiffre qui varie selon les calculs et les marques). Un constructeur automobile qui dépasserait la limite serait redevable d’une amende de 95 euros par gramme excédentaire pour chaque voiture vendue. Compte tenu des ventes actuelles sur le marché européen, en 2025, la note de Renault estime que « les pénalités pourraient atteindre 13 milliards d’euros pour les voitures particulières et 3 milliards pour les véhicules utilitaires ».

    Un véhicule thermique très performant, rappelle la note, émet actuellement en moyenne 120 grammes de CO2 par kilomètre. Pour respecter la norme CAFE, un constructeur devra donc vendre une « watture » (100 % électrique) pour quatre thermiques. Or, le marché européen de l’électrique « stagne depuis plus d’un an à moins de 15 % pour les voitures particulières et à 7 % pour les utilitaires », précise le document. Ce qui rend l’objectif impossible à atteindre.

    Trois solutions pour éviter l’amende

    Les constructeurs, pour éviter l’amende, ont trois solutions. La première, prévient la note, serait dramatique pour l’emploi. Il s’agit de réduire la production de véhicules thermiques de plus de deux millions d’unités et celle de camionnettes de 700 000 unités, « soit l’équivalent de plus de huit usines européennes ».

    La deuxième consiste à s’entendre avec des constructeurs américain ou chinois (Tesla, Volvo, filiale de Geely, ou MG par exemple) pour leur racheter des crédits-carbone. Mais ce « pooling » revient à subventionner des concurrents, au moment où l’Europe essaie d’instaurer des droits de douane pour les freiner. « Dans tous les cas, détaille la note, vu la part de marché actuelle des véhicules électriques en Europe, le “pooling” ne suffirait pas »à éviter les amendes.

    La troisième piste serait que les Etats augmentent les subventions à l’achat de véhicules électriques, mais ils font l’inverse, ou encore que les constructeurs baissent les prix pour atteindre une part de marché de 22 % des véhicules électriques. Mais précise la note, « la Commission a montré que l’industrie du véhicule électrique européenne n’était pas rentable », au cours de son enquête sur les aides d’Etat chinoises.

    C’est « l’urgence extrême de la situation »qui justifierait, selon cette note, le recours à l’article 122.1 du TFUE. Celui-ci dispose que : « sans préjudice des autres procédures prévues par les traités, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut décider, dans un esprit de solidarité entre les Etats membres, des mesures appropriées à la situation économique, en particulier si de graves difficultés surviennent dans l’approvisionnement en certains produits, notamment dans le domaine de l’énergie ». Cette disposition permet aux Etats membres de prendre une décision à la majorité qualifiée, sans que le Parlement européen y soit associé.

    Renault fait campagne

    Depuis quinze jours, Renault fait campagne pour diffuser son idée. A la Commission, la proposition d’utiliser l’article 122.1 « fait doucement rigoler », commente une source européenne. Cet article est honni par le Parlement européen et son utilisation est strictement encadrée. Les Vingt-Sept y ont eu recours à plusieurs reprises lors de la crise due au Covid-19 ou après le début de la guerre en Ukraine pour l’achat en commun de vaccins, pour aider les gouvernements à financer le chômage partiel durant la pandémie, pour créer un prélèvement sur les superprofits des producteurs d’énergie ou encore pour plafonner le prix du gaz.

    « Je ne pense pas qu’activer un article de crise massive soit le bon outil pour traiter un éventuel problème sectoriel », commente l’eurodéputé (Renaissance) Pascal Canfin. En revenant, même temporairement, sur une disposition qu’il a votée, la Commission et les Etats prendraient le risque d’indisposer le Parlement européen. Or, à compter du 17 septembre, il doit valider le choix des nouveaux commissaires.

    La proposition d’action a néanmoins été présentée par le président aux membres de l’ACEA mercredi 11 septembre, qui ne l’auraient pas rejetée, car elle semble être aujourd’hui la seule voie pour modifier un règlement européen en moins de quatre mois. Le rapport de Mario Draghi sur la compétitivité de l’Europe, remis le 9 septembre à la Commission, fait d’ailleurs référence à la souplesse que peut apporter l’article 122.1.

    Jeudi, l’Association des constructeurs européens d’automobiles a rappelé dans un communiqué « ses inquiétudes sur sa capacité à atteindre les objectifs 2025 d’émissions de CO2 »dans un contexte de « stagnation de la part de marché des voitures électriques à batterie, une tendance continue ». Philippe Houchois, analyste financier chez Jefferies, estime l’amende potentielle pour Volkswagen (26 % de part de marché en Europe) entre 2,6 milliards et 7,3 milliards d’euros (avant « pooling »). Selon M. Houchois, pour éviter l’amende, Renault devrait multiplier par deux la part des voitures électriques dans ses ventes, ce qui semble difficile.

    Démarche irrecevable

    Stellantis, qui n’est plus membre de l’ACEA depuis 2022, s’en sortirait mieux, grâce à son offre de petites voitures électriques et son alliance avec le chinois Leapmotor. A partir de 2025, la norme favorisera en effet les voitures légères alors que les calculs jusqu’à présent avantageaient les véhicules les plus lourds.

    « Je ne sais pas si c’est un problème systémique pour tous les constructeurs ou un problème qui concerne essentiellement Renault et Volkswagen. Il faut lever cette incertitude avant de regarder le dossier » , poursuit Pascal Canfin.

    Pour Marie Chéron, responsable des politiques véhicules au sein de l’ONG Transport et environnement France, systémique ou pas, la démarche est irrecevable. « Elle est absurde, explique-t-elle. Les constructeurs ont réalisé plus de 130 milliards d’euros de bénéfices depuis 2022 et ont eu des années, depuis 2019, pour se préparer à l’objectif. Maintenant, ils tentent de déclencher l’état d’urgence pour pouvoir continuer à vendre des voitures polluantes. »

    Thierry Breton, le commissaire à l’industrie que la France voudrait voir rester à Bruxelles, juge, pour sa part, l’industrie automobile mal en point et martèle qu’il faut lui laisser plus de temps pour se convertir à l’électrique, alors que les Européens ont décidé d’interdire la vente de nouvelles voitures roulant à moteur thermique à compter de 2035. « Pour atteindre cet objectif, le chemin se trouve plus ardu qu’envisagé initialement. Et les projets d’usines à batterie n’avancent pas aussi vite qu’attendu », déclare-t-il au Monde. Avant de poursuivre : « Dans ce contexte, pénaliser l’industrie à court terme, c’est affaiblir sa compétitivité à moyen et long terme, qui est pourtant essentielle pour atteindre notre objectif commun pour 2035. »

    Pour lui, « toutes les options constructives doivent être considérées ». Pour autant, le commissaire se méfie du recours à l’article 122.1, qui pourrait lui revenir en boomerang lors de son audition pour sa reconduction par les eurodéputés.



  • Je suis bof d’accord sur le problème de la confusion, on va devoir s’y habituer si l’idéal est d’avoir nutri-score + planet-score sur les emballages sans qu’aucun des deux ne soit obligatoire. Le code couleur est certes le même, mais je pense que ça doit être le plus efficace pour attirer l’attention des consommateurs; par contre le planet score a son nom quand même assez en évidence avec bah une planète au-dessus :)

    Après ça a l’air d’être l’éternel problème des labels, c’est au consommateur de savoir ce qu’ils indiquent (et surtout ce qu’ils n’indiquent pas). Et par contre c’est évidemment de la mauvaise foi que de garder que les labels qui nous arrangent quand ce sont des “notes” (et non des labels binaires comme bio). En fait je me rends compte que c’est corsé d’avoir un label volontaire qui défavorise le produit… on est résignés à se dire que ceux qui ne l’ont pas sont ceux dont le nutriscore est mauvais)

    Et oui clairement un énorme travail a été fait sur le nutriscore pour que celui-ci soit le plus accessible et compréhensible possible, c’est tout foutre en l’air que de forcer le QR code.



  • Je suis d’accord avec cette réaction. On pourrait leur donner le bénéfice du doute en disant qu’ils posent les problématiques en évitant tout biais antérieur (pour éviter d’inclure une réponse dans la question), mais je trouve aussi que poser des questions ainsi, avec cette fenêtre d’acceptabilité, c’est légitimer un peu trop d’importance politique qu’à (malheureusement) ce ressenti.

    Mais peut-être est-il utile d’attaquer cette notion (qui est quand même largement citée pour ses effets négatifs dans le reste de l’article non ?) de manière prudente, afin de ne pas braquer ceux qui seront les premier a clamer (caricaturalement) “on essaie de disqualifier mon ressenti donc je suis opprimé on ne m’écoute pas” ? J’ai l’impression que sinon c’est un cercle vicieux de plus en plus conflictuel.

    Une note du directeur de l’Insee est citée a la fin et il fait la même distinction que ce commentaire, entre ressenti “objectivable” (température + vitesse du vent) et le reste, subjectif et individuel (la conclusion est dans le dernier paragraphe). En fait, on ne devrait pas appeler cela température ressentie du tout.

    On sait en effet qu’à température donnée, la vitesse du vent va avoir un effet incontestable, objectif et mesurable sur la sensation de froid. Mais cette sensation va aussi dépendre de facteurs subjectifs et parfois individuels : à température et vent donnés, on ressentira plus le froid s’il est inhabituel dans la saison, ou à titre individuel, selon qu’on ait pris l’habitude de vivre sous d’autres latitudes, qu’on ait l’habitude de travailler ou pas à l’extérieur, qu’on vive dans des logements plus ou moins chauffés, qu’on ait plus ou moins dormi, qu’on se soit plus ou moins alimenté, qu’on souffre ou non d’une mauvaise irrigation des extrémités des membres etc. La température ressentie de la météo est définie à partir d’indices objectivables, elle est la même pour tous, mais d’autres facteurs subjectifs ou individuels interviennent aussi dans le ressenti.

    Il en va de même pour la perception des phénomènes économiques et sociaux. Prenons l’exemple de l’inflation. Chaque mois, l’Insee publie l’indice des prix relatifs au panier moyen de biens et services pour l’ensemble des ménages français. Mais bien entendu chaque ménage consomme un panier de biens et services spécifique, et est de ce fait exposé à une hausse des prix qui a toutes chances de ne pas coïncider avec la moyenne. Ceci est objectivable et mesurable. Et il est possible d’y répondre en « sortant de la dictature de la moyenne », comme on le verra plus bas. Mais on voit bien que d’autres facteurs, subjectifs ceux-là, peuvent également avoir un effet sur la hausse des prix ressentie. Certains sont liés à des biais cognitifs : on est plus sensible aux hausses qu’aux baisses, on est plus sensible aux achats fréquents, à ceux dont les prix sont très visibles comme les totems des stations services, on est plus sensible à la hausse des prix si l’on est soumis à des contraintes de liquidités. D’autres sont liés à la compréhension même de ce qui est mesuré : même s’ils sont fondés et font l’objet de conventions internationales, les concepts ne correspondent pas forcément à l’intuition. Par exemple, la correction de l’effet qualité conduit à comptabiliser comme une baisse continuelle de prix l’amélioration régulière des performances des ordinateurs ou des smartphones, alors que les ménages y consacrent des budgets stables ou en hausse en acquérant des biens de plus en plus performants.

    Il semble donc que, de même que la correction par la vitesse du vent n’épuisera pas le problème de la différence entre la température et le ressenti de froid, il sera le plus souvent vain de chercher à expliquer les différences entre les agrégats statistiques et leur ressenti par une cause unique.