Maître de conférences en sciences de l’information et de la communication (Crem, Université de Lorraine).

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Cake day: June 14th, 2023

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  • Que faire en attendant un hypothétique dégroupage des réseaux sociaux ?

    Le Conseil National du Numerique (CNNum) défend l’idée que la recommandation algorithmique (aujourd’hui dictée par les plateformes elles-mêmes) soit ouverte à d’autres acteurs, dans l’espoir que la concurrence tire la qualité vers le haut.

    Problème : Maria Luisa Stasi observe « il est également possible que les nouveaux fournisseurs de services de recommandation de contenus se contentent de reproduire le même modèle économique des grandes plateformes de réseaux sociaux, au lieu de promouvoir des modèles diversifiés, innovants et plus respectueux des droits humains. »

    Selon elle, 3 facteurs pourraient « fortement minimiser ce risque » :

    1. Fixer des règles du jeu claires pour tous les acteurs, ce qui découragerait les modèles extractifs et encouragerait la diversité.
    2. Faciliter et soutenir les initiatives émanant de la société civile, du monde universitaire ou d’autres acteurs à but non lucratif.
    3. Soutenir l’adoption de systèmes de recommandation de contenus alternatifs et orientés vers l’intérêt public.

    Ne faudrait-il pas commencer par là ? Sans attendre une hypothétique obligation d’ouverture à l’interopérabilité qui mettra des années à se concrétiser…

    En l’état actuel des choses :

    1. Les règles du jeu permettent à des services délétères de prospérer sur la captation d’attention et de données.
    2. Le soutien aux initiatives de la société civile ou du monde universitaire est quasi-nul dans un environnement où tous les efforts sont concentrés sur le modèle “startup”, les objectifs de rentabilité et de croissance rapide.
    3. On ne peut pas parler de soutien à l’adoption d’alternatives alors que nos politiques et nos institutions s’ingénient à communiquer en priorité via les grandes plateformes incriminées, légitimant ainsi leur position dominante.

    Alors, on commence par où ?


  • La publicité (et les annonceurs) a toujours été exclue du projet : l’idée de Needle n’aurait jamais germé sans cela.

    Par bénéficiaire, j’entends les utilisateurs, les citoyens, les collectifs, les organisations… Mais pour l’heure, ce sont surtout de gentils cobayes qui essuient les plâtres avec nous, car fabriquer quelque-chose de vraiment nouveau demande beaucoup de patience et d’abnégation.

    Tu as raison, le site de Profluens fait très “startup nation” et je comprends qu’il puisse faire un peu peur. Ça fait partie des mauvaises idées induites par le cheminement auquel on nous pousse dans le monde académique dès que l’on veut sortir du labo. Pour sortir de ce modèle, j’adhère complètement à l’idée d’archipels et je te rejoins sur Framasoft. Modulo la lourde tâche de nouer et faire vivre tous ces liens.

    Je suis convaincu que Needle a des applications naturelles pour mettre en valeur les publications scientifiques qui le méritent vraiment et outiller notre sérendipité. Mais être chercheur ne suffit pas (nul n’est prophète en son pays). Peut être même au contraire : la fascination pour “le privé” est encore forte et on a bien du mal à appliquer ce qu’on professe. Il n’y a qu’à voir la faible part de PhD parmi les “ingénieurs de recherche” qui dirigent nos services universitaires, alors que l’on clame haut et fort que le doctorat est gage de solides compétences professionnelles. Ajoute à cela des jeux de pouvoirs multidimensionnels (l’université de l’invisible de Terry Pratchet est assez fidèle à la réalité) et tu comprendras que faire émerger une projet par des universitaires pour des universitaires est une vraie gageure.

    Une piste en réflexion actuellement serait de co-construire quelque chose avec des associations d’anciens. Needle pourrait en effet avoir des applications immédiates pour rapprocher les membres de ces collectifs qui - sans le avoir - se croisent sans doute sur pas mal d’information ou de ressources professionnelles. L’avantage étant que chacun ancien est un relai potentiel d’autres organisations (son employeur et/ou ses assos).


  • Ce passage me parait important :

    Si comme le suggère le dernier rapport du Forum économique mondial sur les risques globaux, la désinformation est l’une des plus grandes menaces à court terme pour l’humanité, notre capacité collective à comprendre comment elle se propage et son impact sur notre société doit être une priorité.

    Il ne nous viendrait pas à l’idée d’entraver la recherche scientifique sur la propagation des virus, ou sur l’impact du réchauffement climatique sur l’environnement. De la même manière, la recherche sur la désinformation doit pouvoir être menée sans encombre, et avec l’accès aux informations nécessaires pour en saisir la complexité. La compréhension des ressorts économiques, politiques et technologiques de la désinformation est une question de santé publique, de résilience démocratique et de sécurité nationale.

    Nous sommes au stade où la société civile n’a pas encore pris conscience du fait que sans un écosystème info-communicationnel sain, nous n’avons aucune chance de faire émerger des réponses concertées face aux grands défis (climat, santé, biodiversité, démocratie, etc). Pire : nous n’en sommes même pas au stade où l’on se préoccupe de préserver nos capacité d’analyse face à ce problème. Comme si le GIEC n’en était qu’à ses balbutiements.

    Mais je te rejoins sur le caractère incantatoire de cet appel (dont je suis signataire). Parallèlement à l’action à grande échelle, nous avons besoin de cultiver des alternatives, des démonstrations qu’un autre accès à l’information est possible. Ce à quoi je m’emploies avec needle.social (dont nous avons discuté un peu il y a quelques jours ici).